« J’ai un plan »

J’ai longtemps, voir toujours, eu des plans (j’entends bien par là des plans pour l’avenir, si vous aviez un doute 🙂 ). Avoir un plan, c’était me rassurer et me permettre d’avoir confiance en moi pour chacune des petites ou grandes étapes de ma vie. Avec un peu de recul, je comprends maintenant les limites du « plan » et à quel point ce dernier peut finalement retarder le passage à l’action.

 A l’âge de 11/12 ans, je m’amusais déjà à dérouler et imaginer ce que seraient ma future scolarité, ma future vie d’étudiante et même ma future vie professionnelle. Après une classe préparatoire littéraire, une entrée à Sciences Po Paris, je serais énarque ou rien. Haut fonctionnaire. Le motif derrière cette motivation était assez obscur : je me savais bonne, même très bonne, élève et avais la conviction intime qu’un tel objectif aurait de quoi rendre fière mes parents, ma famille- bref tous ceux qui me connaissaient. 

Photo souvenir de 2016, deuxième diplôme en poche, je préparai alors les concours de la haute fonction publique

Appelez cela la chance, le destin ou la preuve de mon pouvoir créateur, mais j’ai fini par remplir année après année et très consciencieusement chacun des objectifs que je m’étais assignée- et ce pour ma plus grande satisfaction mêlée d’une certaine incrédulité…jusqu’à ce que le doute prenne place de manière de plus en plus grandissante et assourdissante. J’en devenais aveugle et sourde. Je ne pouvais plus voir mes compétences, le travail que j’abattais chaque jour ni entendre les encouragements des amis et proches qui m’accompagnaient moralement tout le long de ce chemin. Je ne pouvais plus me faire confiance. Tout ce qui comptait était cette question, qui m’a littéralement obsédée au long de ces deux années de préparation de concours : « Vais-je réussir ? Suis-je à la hauteur ? ».  De manière assez candide, je me suis alors confrontée à une « douloureuse » réalité : mon plan n’a pas fonctionné-je ne serai pas énarque. Drame. Catastrophe. Je me revois hurlant (intérieurement bien sûr J je ne voulais pas passer pour folle- bien que rester recroquevillée des heures face à la mer, sous la pluie, ait pu en interroger plus d’un…) mon « incompréhension » à la face du monde. Mon plan n’avait pas fonctionné. C’était ma première prise de contact avec un concept dont j’avais vaguement entendu parler : le lâcher-prise…

Nous étions donc en janvier 2017 et je n’avais plus de plan « pour ma vie ». Alors que je me sentais désoeuvrée, l’égo totalement désorienté par cette soudaine perte de contrôle, je me suis résignée à faire comme tout jeune diplômé : chercher du boulot. Après tout, ma « terrible » situation me permettait quand même de faire valoir deux diplômes de l’enseignement supérieur et une première expérience assez réussie dans le monde du travail. La suite s’est enchaînée très vite et m’a montré qu’on s’en sortait très bien sans « plan », ou même en agissant à l’encontre de ce qui était prévu. En moins d’un mois, je trouvais un boulot de cadre dans le secteur public et déménageait d’un continent à un autre. Tout ça n’était même pas envisagé encore quelques semaines auparavant, mais j’avais décidé de me laisser guider par une intuition, un appel provenant de l’intérieur. Et contre toute attente, j’ai trouvé un plaisir fou à me laisser porter par la vague, à lâcher le volant quelques instants…

Le laps de temps écoulé ce début d’année 2017 et le moment présent ne m’a pas totalement libérée de la manie de « faire des plans », qui rassure encore les parties de moi se sentant le plus en insécurité. Jusqu’à peu, j’avais encore un plan de carrière en tête, auquel mon cœur ne répondait toutefois de plus en plus mollement. C’est que les « plans » deviennent de moins en moins mon truc…à part pour m’accrocher à une réalité que je pense « maîtriser ». 

Je me sens maintenant reconnaissante d’avoir pu me projeter et « faire des plans » – et plus encore d’avoir eu la détermination pour les suivre. Mais je me rends aujourd’hui compte que ces derniers répondaient et répondent encore à l’appel du mental et de l’ego. Ces plans répondent à des stratégies me permettant de combler certains manques ou besoins. Ils ne répondent pas à l’appel du cœur ; mes plans étaient et sont beaucoup de choses….sauf une vision. Celle qui me porte, qui me pousse à sortir de ma zone de confort en rêvant plus grand et en allant regarder, accepter et doucement laisser partir mes schémas de peur et de doutes (sur ma légitimité, sur l’échec, etc…).

Voici la question que je me pose désormais : peux-tu bien longtemps te soustraire à l’appel du cœur et à la vision que tu nourris ? Qu’attends-tu pour être toi, sans plus longtemps te cacher derrière des plans ou la crainte de ne pas être comprise ? 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *